- ‘ABD AL-MU’MIN
- ‘ABD AL-MU’MIN‘ABD AL-MU’MIN (entre 1094 et 1106-1163)Propagateur d’un mouvement qui provoquera une révolution sans précédent dans l’histoire de l’Occident de l’islam, créateur d’un empire et d’une dynastie, revendiqué comme héros national par l’Algérie nouvelle, ‘Abd al-Mu’min est une des plus grandes figures de l’Occident musulman, figure encore mal connue, malgré les importantes découvertes des manuscrits de la bibliothèque de l’Escorial par E. Levi-Provençal.Il naquit dans le petit village de Tadjara près de Nedroma à une date imprécise, entre 1094 et 1106 (487 et 500 de l’hégire). comme pour nombre d’hommes illustres, sa naissance fut entourée de miracles et, comme la plupart des réformateurs musulmans, il se construira une ascendance arabe et prophétique bien qu’il fût d’une humble origine et issu de la tribu berbère arabisée des Kumya (groupe des Zénètes). L’élément décisif et prodigieux de sa vie fut sa rencontre avec Ibn T mart, près de Bougie (actuelle Bejaïa), au cours de son voyage en Orient (1117). Le Maître du Sous reconnut en lui l’homme prédestiné: «La mission sur quoi repose la vie de la religion ne triomphera que par ‘Abd al-Mu’min, le flambeau des Almohades.»Ibn T mart, «l’Impeccable», enseignera à son disciple préféré le dogme de l’«unicité» divine et l’entraînera vers le Maroc jusqu’à son village natal d’Igli. ‘Abd al-Mu’min s’installera avec lui à Tinm l d’où le mahdi des Almohades prêchera la guerre sainte contre la dynastie des Almoravides dont la capitale, Marrakech, s’étend au pied de l’Atlas. Il lui succédera à la tête de la communauté almohade en 1130. Il lui faudra, néanmoins, trois ans pour imposer son autorité à tous ses sujets (1133). Dès lors commence une carrière politique en tout point admirable.La conquête du Maroc, par le sud et les montagnes, fut longue, obstinée. Fès ne fut prise qu’en 1146, Marrakech, enfin si proche du berceau almohade, en 1147 seulement. Désormais maître du Maghreb almohavide, ‘Abd al-Mu’min s’attaqua à l’Algérie centrale et orientale puis à l’Ifrikiya (Tunisie) occupée en 1159 et 1160. Il poursuivit la conquête de l’Espagne musulmane, commencée dès 1145. En 1154, Grenade lui était livrée. ‘Abd al-Mu’min lui-même passa dans la Péninsule. Il s’apprêtait à une nouvelle campagne à partir de l’immense camp retranché établi face à Salé, le Ribat Al Fath (le camp de la victoire, l’actuel Rabat), lorsqu’il mourut, en mai 1163.L’homme qui avait, en quelque trente ans, constitué un empire allant des rives de l’Océan aux Syrtes et du Sahara à l’Espagne centrale avait une psychologie complexe, un caractère qui se dégage mal des jugements contradictoires des contemporains et des historiens: réserve et piété, sens du compromis et esprit de conservation, mais aussi énergie, détermination et cruauté. L’intelligence politique est incontestable; elle éclaire toute l’œuvre.Cette œuvre est particulièrement importante, au-delà de la construction relativement fragile de la dynastie et de l’empire, dans le domaine de l’administration et de la civilisation. ‘Abd al-Mu’min, devenu Amir al-Muminin, se pose en concurrent du califat abbasside d’Orient. Il constitue une administration où s’allient les règles de la loi musulmane, les traditions de son entourage berbère, les nécessités imposées par la vastitude de son empire. L’organisation du makhzen du Maroc moderne conserve, à travers les siècles, beaucoup de ses principes.Son rôle propre, celui de ses conseillers «almohades de la première heure» et celui des lettrés andalous auxquels il fait appel sont difficiles à évaluer. En fait, c’est de la puissante synthèse entre l’énergie berbère et la délicate culture andalouse imposée par une personne hors du commun que naît l’âge d’or almohade. Il se manifeste en art avec notamment les grandes mosquées de Taza, de Marrakech ou de Sfax, les forteresses comme celle de Rabat. Il brille aussi dans la littérature et la poésie. Le XIIIe siècle maghrébin a été un des grands moments de la civilisation.
Encyclopédie Universelle. 2012.